L’Établissement français du sang appelle au don de plasma, « vital pour de nombreux patients »
Alors que la demande de médicaments dérivés du plasma croît et que la France dépend largement d’importations, depuis les États-Unis notamment, pour couvrir ces besoins, l’Établissement français du sang lance dans toutes les régions une campagne de sensibilisation à ce don, moins connu que celui de sang.
Christophe Forny, vous êtes médecin à l’Établissement français du sang et responsable des prélèvements dans le Haut-Rhin. Quels sont aujourd’hui les enjeux autour du don de plasma ?
« Depuis une dizaine d’années, la demande mondiale en médicaments dérivés du plasma augmente de 8 à 10 % par an. En France, la tendance est la même. Et la demande va continuer à croître. Parce que les médicaments dérivés du plasma sont utilisés pour soigner de plus en plus de pathologies, et davantage de pays ont aujourd’hui accès à ces traitements : l’Inde, le Brésil… C’est pour cela qu’il faut augmenter nos capacités de prélèvement et donc le nombre de dons. »
À qui servent les médicaments dérivés du plasma ?
« Le plasma est vital pour de nombreux patients. Les médicaments qui en sont dérivés soignent des patients en réanimation, des personnes atteintes de déficits immunitaires, qu’ils s’agissent de déficits primaires, c’est-à-dire que les personnes sont nées avec une carence de leur système immunitaire, ou de déficits secondaires, liés à une autre pathologie : un cancer, une infection… Ils servent également à soigner les personnes atteintes d’hémophilie, de maladies auto-immunes ou de troubles neurologiques graves. »
La crise sanitaire a révélé la dépendance et la fragilité de la France en la matière…
« En effet, 65 % des médicaments dérivés du plasma proviennent aujourd’hui de l’étranger, notamment des États-Unis. L’interruption des échanges mondiaux lors de la crise du covid a eu pour conséquence une baisse de la disponibilité de ces médicaments. Depuis, il y a une prise de conscience et une volonté politique de réduire cette dépendance à 50 % de médicaments importés d’ici à 2028. Pour cela, l’objectif est d’atteindre 1,4 million de litres de plasma prélevés par an en France. L’année dernière, nous étions à 800 000 litres. Il faudrait donc quasiment doubler la quantité de prélèvement d’ici quatre ans. C’est un enjeu de souveraineté sanitaire. »
Car il n’y a pas de traitements de synthèse reproduisant les propriétés thérapeutiques des protéines et anticorps contenus dans le plasma sanguin et permettant de répondre à la demande ?
« Il existe une alternative pour certaines protéines. Mais aucune pour les immunoglobulines, par exemple. Parce que les anticorps acquièrent leur capacité de défense immunitaire dans l’organisme. C’est lui qui les fabrique et les “éduque” pour qu’ils puissent reconnaître et s’attaquer aux bactéries, germes… Et cela est impossible à réaliser en laboratoire. »
Certains suggèrent, pour booster les dons, de mettre en place, à l’instar d’autres pays en Europe, des incitations financières (Allemagne, Autriche, République tchèque, Hongrie) ou d’octroyer une journée de vacances par l’employeur au donneur (Italie). Qu’en pensez-vous ?
« Je pense ce que la loi en pense en France. Elle fixe la non-marchandisation du corps humain. C’est ce modèle éthique qui a été voulu et construit depuis le milieu du XXe siècle et n’a cessé d’être renforcé depuis : le don est un acte libre, gratuit, anonyme, volontaire et de générosité humaine. C’est dans ce cadre éthique que l’Établissement français du sang doit réussir sa mission : informer et encourager la population à donner son sang, ses plaquettes, son plasma. Je ne suis pas sûr qu’une rémunération inciterait beaucoup de potentiels donneurs à donner. Par contre, je suis certain que cela découragerait beaucoup d’actuels donneurs, qui ne viendraient plus, parce que, pour eux, la non-rémunération, le bénévolat, ça a du sens. »
Pratique
Toute personne âgée de 18 ans, en bonne santé et pesant au moins 50 kg, peut donner son plasma jusqu’à la veille de son 66e anniversaire. Un médecin confirme, lors d’un entretien préalable au don, la capacité à donner.
Un don de plasma est plus long qu’un don de sang : 45 minutes, contre 15.
Il est possible de donner son plasma tous les 15 jours, jusqu’à 24 fois par an. Pour un don de sang, il est nécessaire d’attendre huit semaines entre deux dons, et une femme ne peut donner au maximum que quatre fois par an, un homme six fois.
Pour des questions de logistique, les dons de plasma se font uniquement dans les maisons du don. En Alsace : à Mulhouse (87 avenue d’Altkirch), Colmar (6 rue du Hohnack) et Strasbourg (10 rue Spielmann).
Source DNA